Fishermen ride their boats in the rising water levels of the Indus River at the Kotri barrage, in Hyderabad on July 22, 2025. Monsoon season brings South Asia 70 to 80 percent of its annual rainfall, and runs from late June until September in Pakistan. The annual rains are vital for agriculture and food security, and the livelihoods of millions of farmers, but also bring destruction. (Photo by Akram SHAHID / AFP)

Conflits hydriques et enjeux régionaux en Asie du Sud

Les relations autour des grands fleuves transfrontaliers en Asie du Sud se révèlent de plus en plus tendues. En fin d’octobre, l’Afghanistan a annoncé son intention de construire des barrages sur le fleuve Kaboul, provoquant l’opposition du Pakistan alors que des heurts avaient eu lieu à la frontière quelques jours auparavant.

Au Bangladesh, des milliers de Bangladais sont descendus dans la rue le mois dernier pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une influence indienne sur le débit de la Teesta, affluente du Brahmapoutre et appelé Jamuna dans le pays.

Un mégaprojet de barrage et ses enjeux

L’Inde n’a pas rétabli le traité sur les eaux de l’Indus, conclu en 1960 avec le Pakistan pour le partage des ressources hydriques et suspendu depuis avril à la suite d’une attaque au Cachemire.

Par ailleurs, les autorités indiennes suivent avec inquiétude le projet chinois sur le Brahmapoutre, situé environ 30 kilomètres en amont de la frontière. Estimé à 167 milliards de dollars, ce barrage pourrait devenir le plus grand ouvrage hydraulique mondial et ses retombées seraient importantes en aval, ainsi que sur l’écosystème d’une région riche en biodiversité.

Demande croissante et impacts du changement climatique

Toute cette dynamique suggère que la gestion de l’eau dans la région devient un enjeu de plus en plus sensible. La demande d’électricité verte pilotable pousse les pays d’Asie du Sud à renforcer l’hydroélectricité, tandis que le recul des glaciers et des conditions climatiques plus variables rendent les débits plus imprévisibles et concernent près de deux milliards d’habitants.

Cadre hydrique et défis de coopération

Les fleuves Indus, Gange et Brahmapoutre prennent leur source dans les glaciers de l’Himalaya et alimentent plusieurs pays. L’Indus naît en Chine et traverse l’Inde et le Pakistan avant de se jeter dans la mer d’Oman; le Brahmapoutre suit un itinéraire commun avec l’Inde et le Bangladesh, avec une portion du Népal appartenant au bassin Gange-Brahmapoutre. Le partage des ressources reste délicat, nourri par la méfiance.

Le conflit entre l’Inde et le Pakistan autour du Cachemire perdure; la Chine et l’Inde se disputent aussi leurs frontières; le Bangladesh et le Népal craignent l’influence des deux puissances voisines. Entre 2019 et 2023, 191 conflits liés à l’eau ont été recensés dans la région, selon le Pacific Institute, une intensité comparable à peu d’autres régions en dehors du Moyen-Orient.

Des barrages comme outils d’influence et leurs conséquences

La situation pourrait encore se détériorer. Selon Hari Godara, professeur à l’université O. P. Jindal Global à Sonipat (Inde), certains pays orientent la construction de barrages non seulement vers la production d’électricité mais aussi comme levier de puissance et moyen de pression sur les voisins. La Chine, via des ouvrages au Tibet, accroît son influence; le Pakistan, soutenu par la Chine, érige des barrages dans les zones du Cachemire qu’il administre pour affermir ses revendications. Face à cela, l’Inde envisage désormais un méga-barrage en aval pour diversifier ses capacités.

Des enjeux pour les populations et l’environnement

Les communautés bangladaises vivant le long des fleuves déplorent le manque d’anticipation lorsque les États libèrent d’importantes quantités d’eau, entraînant des dégâts en aval. Par ailleurs, les projets de grande hydraulique fragmentent les cours d’eau, détruisent des habitats et déplacent des populations dans des zones sensibles comme l’Himalaya.

Renforcer la diplomatie face à un environnement fragile

Pour éviter des conflits ouverts, il est essentiel de privilégier le dialogue et la coopération transfrontalière afin de gérer les effets des barrages. Des indicateurs montrent que l’absence de traité en amont peut favoriser les tensions, souligne Aaron Wolf, spécialiste des accords transfrontaliers sur l’eau. À ce jour, aucune guerre directe motivée par l’eau n’a été observée au cours du dernier siècle, mais la gestion demeure un patchwork d’accords bilatéraux qui laissent les fleuves comme leviers de négociation.

Une coopération renforcée semble être la voie la plus sûre pour maintenir le débit des cours d’eau, préserver les moyens de subsistance et maintenir la paix dans une région où l’eau demeure un enjeu géopolitique majeur.

By