Contexte et décision publique

Lors d’une conférence de presse tenue jeudi, la directrice de la Fondation du Jardin botanique Flore-Alpe a annoncé que le passé lié à l’Allemagne nazie serait reconnu publiquement. Cette démarche vise à transformer une mémoire complexe en engagement collectif pour des modèles de société plus justes et inclusifs.

Par ailleurs, l’institution a décidé d’abandonner le nom Jean-Marcel Aubert et d’adopter officiellement la dénomination Fondation du Jardin botanique Flore-Alpe.

Deux rapports indépendants et comité d’éthique

À l’origine, l’objectif était de mieux comprendre les origines du jardin et de valoriser son histoire. La fondation, reprise par la commune d’Orsières et l’État du Valais depuis 2008, a mandaté en 2023 un bureau valaisan spécialisé dans la recherche historique pour mener l’enquête.

Le premier rapport, publié en mars 2024, documente la participation de Jean-Marcel Aubert à l’aryanisation d’entreprises détenues par des Juifs en France au début de la Seconde Guerre mondiale, notamment les Galeries Lafayette.

Sur la base de ces constats, la fondation a créé un comité de recherche et d’éthique un mois plus tard, et les trois experts indépendants ont remis leur rapport final en mai.

Profil et parcours de Jean-Marcel Aubert

Né en 1875 dans le canton de Vaud, Jean-Marcel Aubert fonde Aubert & Cie en 1898 et développe son activité à l’international. Durant la Première Guerre mondiale, il réalise des bénéfices importants et les archives le décrivent comme un homme entreprenant et intelligent, mais aussi avide et capable de manipuler des partenaires pour accroître sa fortune.

Durant la Seconde Guerre mondiale, ses activités s’inscrivent dans des relations avec les autorités d’occupation allemandes en France. Il est impliqué dans l’achat et la vente de matériel automobile pour le compte allemand, dans la fabrication de matériel de guerre et dans une société de construction œuvrant au bétonnage du Mur de l’Atlantique. Le 31 août 1944, il est arrêté et incarcéré; après une première évacuation, il est à nouveau arrêté et retourne ensuite en Suisse en mai 1945. Il est jugé à trois reprises par la Cour de Justice de la Seine entre 1947 et 1950 et ses biens sont confisqués.

Financement du jardin et implications éthiques

Parmi les questions examinées figurait l’origine des fonds ayant permis la création du jardin, alors que l’entrepreneur était « tombé sous le charme de Champex-Lac » en 1927. Malgré ces zones d’ombre, Sofia de Meyer rappelle que la passion pour la botanique était réelle chez Aubert.

La création du parc est datée avant la guerre et est considérée comme indépendante des activités illégales attribuées à Aubert pendant le conflit. Quant à la dotation de 500 000 francs versée en 1965 pour la constitution de la fondation, elle semble postérieure et ne serait pas liée aux actions de l’entrepreneur durant la guerre. Selon la fondation, la fortune accumulée pendant la Seconde Guerre mondiale dépassait largement cette dotation et aucune restitution n’est juridiquement ou éthiquement requise.

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