Une étude suisse révèle des différences régionales dans la fertilité masculine

Une recherche menée en Suisse indique, pour la première fois, des écarts entre milieu urbain et milieu rural concernant la qualité du sperme. L’analyse du sperme de milliers de recrues suisses montre qu’un faible nombre de spermatozoïdes peut entraver la conception naturelle chez environ une personne sur six.

La fertilité masculine repose sur trois critères mesurables : le nombre de spermatozoïdes, leur morphologie et leur motilité. Lorsque ces trois paramètres sont limités, le risque d’infertilité augmente.

Des résultats régionaux mis en évidence

Rita Rahban, biologiste à l’Université de Genève, spécialisée dans la santé reproductive masculine, a dirigé ces travaux. Après une étude initiale menée en 2019 sur les recrues, elle a utilisé une méthode statistique innovante avec des chercheurs de l’EPFL pour réexaminer les données. Les résultats suggèrent une répartition non uniforme de la qualité du sperme en Suisse et la formation de groupes régionaux distincts.

La recherche, publiée fin septembre dans la revue Human Reproduction, distingue notamment un groupe localisé au sud-est de Berne présentant une qualité de sperme inférieure, et une zone autour d’Aarau où la qualité paraît supérieure par rapport à d’autres régions du pays.

Pour expliquer ces différences, les chercheurs comparent différentes sources de données fédérales et relient les résultats à l’organisation du territoire : les zones négatives entourées par davantage de cultures cultivées, versus les zones positives caractérisées par une densité plus élevée d’habitations.

Facteurs et mécanismes potentiels

Plusieurs facteurs biologiques et environnementaux pourraient influencer la qualité du sperme. Certaines substances utilisées dans les produits phytosanitaires sont avérées capables d’intervenir sur le développement des organes sexuels et sur les spermatozoïdes, selon les toxicologues. Des métaux lourds présents dans les engrais et des hormones provenant d’élevages laitiers pourraient également jouer un rôle.

Par ailleurs, de nombreux éléments de mode de vie se répercutent sur la fertilité masculine : chaleur, surcharge pondérale, alcool et tabac, ainsi que d’autres facteurs sanitaires généraux.

La chercheuse rappelle que l’amélioration des comportements individuels peut se manifester sur la qualité du sperme après environ trois mois, mais que certains déterminants échappent encore à l’action personnelle : la qualité des spermatozoïdes est aussi influencée par des éléments génétiques transmis avant la naissance et les influences intra-utérines.

Elle a pu constater que des fils de femmes employées agricoles ou travaillant dans des domaines où des substances hormonales actives—comme certains pesticides ou produits de nettoyage—étaient présents, montrent une tendance à une qualité du sperme moins élevée.

Risque lié à l’environnement agricole et limites actuelles

Les résultats suggèrent que des composants chimiques présents dans l’environnement peuvent affecter la spermatogenèse non seulement chez les fœtus, mais aussi chez l’homme adulte. Toutefois, l’étude ne permet pas encore de déterminer quel facteur environnemental agit avec quelle intensité, ni de confirmer un lien direct avec l’agriculture.

Rita Rahban souligne que « nous ne savons que très peu de choses sur les causes de l’infertilité masculine » et précise que les chercheurs n’ont mesuré ni polluants dans le cadre de l’étude ni dans le sang des participants. Le lien éventuel avec l’agriculture demeure une question ouverte et l’échantillon, d’environ 3000 hommes, est jugé modestes pour tirer des conclusions définitives. Des financements supplémentaires seraient nécessaires pour confirmer les groupes et approfondir ce lien potentiel avec les surfaces agricoles.

La toxicologue Ellen Fritsche, directrice du Centre suisse de toxicologie humaine appliquée SCAHT à Bâle, qui a cofinancé les travaux, juge l’étude précieuse mais demande des analyses plus étendues et plus précises. Elle préconise notamment la mise en place d’une biosurveillance humaine pour mesurer l’exposition réelle aux substances chimiques et, parallèlement, une étude sur le désir d’enfant dans les différents groupes afin d’évaluer si les disparités de qualité du sperme se répercutent sur la fertilité.

Les auteurs soulignent toutefois que, malgré l’apport de ces résultats, il convient d’interpréter avec prudence les conclusions et de poursuivre les recherches sur ce sujet complexe et encore peu éclairé.

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