Le défi financier des médias indépendants en Suisse romande
La fermeture annoncée de Caféine Média, relayée dimanche sur sa page Instagram, marque la fin d’une aventure d’environ un an et demi pour ce média indépendant. Le projet reposait sur une quarantaine de bénévoles, dont quatre journalistes de moins de 20 ans à l’origine.
Six mois de recherches et de démarches pour un financement durable
Selon les fondateurs, le financement demeure le principal frein. La première année a été soutenue par l’État et par des communes vaudoises; par la suite, l’équipe a tenté de diversifier ses sources de financement et a organisé une campagne de financement participatif cette année. Toutefois, elle estime qu’un soutien institutionnel stable reste nécessaire et durable.
Le fondateur précise qu’un mandat de six mois de recherches a été mené: une personne spécialisée a rencontré différentes fondations et organismes, mais les refus ont été nombreux. Le constat est qu’un projet dirigé par des jeunes pour des jeunes peut être perçu comme moins crédible.
La violence des algorithmes et le choix des formats
L’entrepreneur dénonce la pression des algorithmes qui privilégient certains contenus au détriment d’un minimum d’information sérieuse. Il souligne qu’il fallait varier les formats et tester des formats courts pour capter l’attention, mais que la promotion algorithmique peut mettre en avant des contenus choquants et clivants, ce qui contredit les valeurs initiales.
Concurrence et nouvelles habitudes de consommation
Pour des spécialistes, le modèle numérique actuel laisse peu de marge de manœuvre pour des médias indépendants. Le fait de ne pas maîtriser l’algorithme peut pousser à un contenu plus infotainment, ce qui alimente la marchandisation du journalisme. À côté de cela, les jeunes sont exposés à une offre variée de divertissements chronophages, dont le jeu vidéo, ce qui complique la fidélisation du lectorat.
ragekit, une alternative vaudoise engagée
Un autre média vaudois, ragekit, a émergé début janvier 2025 et s’appuie principalement sur Instagram et TikTok, avec quelques formats longs sur YouTube. L’équipe compte sept bénévoles et se présente comme un média d’opinion à gauche, exhortant à des lignes directrices claires: sourcer les propos et respecter les personnes interviewées. Le média revendique une approche de vulgarisation et de science présentée sans prétendre à une neutralité absolue.
Engagement sur le terrain et rapport au public
Le succès de ragekit est en grande partie attribué à ses réseaux personnels et à son implication dans des milieux militants qui ont largement partagé ses contenus. Le média affirme vouloir toucher toutes les audiences et donner la parole à des voix peu représentées dans les médias suisses francophones. Un exemple cité est une vidéo détaillée sur une course-poursuite publiée après un décès local, qui a connu près d’un demi-million de vues et a été largement partagée par des jeunes des quartiers populaires.
Distinction entre fait et opinion et modèle coopératif
Contrairement aux rédactions traditionnelles, ragekit fonctionne comme une association regroupant sept bénévoles, un modèle qui reste difficilement généralisable en raison des coûts élevés de production d’informations non filtrées. Les membres soutiennent qu’il faut préserver une séparation entre faits vérifiés et interprétation, tout en critiquant les médias jugés trop biaisés ou sensationnalistes qui se veulent neutres. Certains estiment qu’un équilibre pourrait émerger, avec l’audiovisuel public privilégiant les faits et des médias plus petits assumant des positions éditoriales.